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EOS R5. Le réveil du géant ?

EOS R5 - 1ère photo en mains

Depuis l’avénement de la 4K, Canon s’est laissée rattraper voire dépasser par des challengers agressifs qui ont réussi en quelques années à se faire une place au soleil dans un secteur vidéo en pleine mutation : celui des vidéastes corporate, des filmmakers du mariage, des réalisateurs de clips et de courts-métrages, celui des Youtubers et autres prosumers…

Pourtant, avec le lancement des EOS R, RP, Ra et R5, la marque au liseré rouge semble enfin miser gros sur la famille de boitiers la plus dynamique du secteur photo/vidéo : les Hybrides. Un virage salutaire qui pourrait donner au constructeur japonais l’opportunité de reprendre le pouvoir… ou pas. 

EOS R… dommage !

Quand Canon lance l’EOS R fin 2018, les « spécialistes » de la vidéo sont nombreux à tirer à boulets rouges sur l’appareil qui projette pourtant Canon sur une bonne trajectoire : l’entrée sur le marché de l’hybride plein format et le lancement d’une nouvelle monture RF plus performante. C’est vrai que l’Eos R a des défauts de jeunesse : absence d’IBIS, crop factor 1,7x en 4K, une cadence de 120 im/s disponible seulement en 720p, gros rolling shutter en 4K, un seul emplacement pour carte sd.

Ces handicaps de naissance occultent largement les qualités vidéo du boitier qui offre pourtant une belle image organique, des couleurs naturelles fidèles à la réputation du constructeur japonais, un AF qui surpasse la concurrence, un profil C-Log facile à gérer en post-production, un filtre ND variable en interne, unique sur le marché des Hybrides,  une gamme d’optiques EF et EF-S sans équivalence, un débit vidéo qui fait passer le 1080p pour de la 4K, etc. 

À l’épreuve du terrain, l’EOS R réalise des prouesses dans de nombreux domaines : corporate, interview, mariage, vlog, petit documentaire, etc. Mais ses caractéristiques techniques l’ont d’emblée relégué au rang de retardataire au regard de ce qu’ont proposé au même moment les Sony, Panasonic, Fuji et même… un certain Nikon !

EOS R5… des caractéristiques techniques de rêve

Février 2020. Les rumeurs gonflent depuis plusieurs semaines autour des caractéristiques techniques d’un EOS R haut de gamme dont le nom a déjà fuité : ce sera l’EOS R5. Le 13 février, Canon lâche quelques informations croustillantes à travers un Communiqué de Presse : l’EOS R5, prochaine itération de la gamme hybride, filmera en 4K et en 8K grâce à un nouveau capteur CMOS et un nouveau processeur ! Le boitier intégrera une stabilisation du capteur (IBIS) capable de travailler de concert avec la stabilisation des optiques IS. Il offrira de surcroit un double emplacement pour carte mémoire. À l’arrière du boitier : une large roue crantée et un joystick pourfendeur de « barre tactile »…

Pas d’informations supplémentaires et surtout pas sur le prix que Canon s’est bien gardée de révéler. 

Pas d’info non plus sur la disparition du facteur de crop en 4K, ni sur les codec, le type de cartes de stockage ou encore les débits vidéo. D’autres questions ? Oui ! Du 4.2.2 10 bit ? Du RAW ? Du CFast ? Du CLog ? Pas de réponse pour le moment. Malgré l’annulation du salon CP+ pour cause virale, on espère en savoir davantage d’ici le mois de mars. L’approche des JO de Tokyo présage quant à elle… une disponibilité avant l’été 2020. On parle d’un lancement en mai pour des livraisons en juillet.

En tout état de cause, ces caractéristiques techniques, associées aux qualités originelles de la gamme R (voir plus haut), ont de quoi bousculer ceux qui pensaient déjà achever la bête Canon… En tout cas si Canon ne cache pas dans ses projets quelque bridage rédhibitoire.

Canon… ou l’art de se tirer une balle dans le pied

EOS R

Les Cassandre n’hésiteront pas à rappeler de quelles manières Canon a su  plusieurs fois déjà refroidir les ardeurs de ses utilisateurs en bridant les capacités de boitiers pourtant alléchants sur le papier. On souhaite que Canon en ait fini avec ses « mauvaises habitudes » mais le vocabulaire de son Communiqué de Presse laisse penser, dans sa version américaine du moins, que les démons du géant pourraient rester d’actualité. Jetons un oeil !

CP Canon

Mise à jour du 13.03.2020 : Dans un communiqué daté du 13 mars 2020, Canon précise que la 8K du boitier, enregistrée en interne,  est garantie sans crop. Le constructeur ajoute que l’AF Dual Pixel est disponible dans tous les modes vidéo jusqu’à la 8K. Enfin, le document annonce qu’un mode tracking  dédié aux animaux (chiens, chats, oiseaux) assiste le shooting animalier (rien ne dit cependant si cette fonction de tracking concerne la photo ET la vidéo).

Mise à jour du 20.04.2020 : Dans un communiqué de presse daté du 20 avril 2020, Canon apporte de nouvelles précisions sur les spécifications techniques du futur EOS R5. Et ça devient croustillant !

  • Enregistrement RAW en interne
  • 8K RAW jusqu’à 29.97fps (25im/s en PAL) en interne sans crop (DCI)
  • 4K jusqu’à 120im/s sans crop
  • 4K jusqu’à 60im/s en externe (59.94fps en NTSC)
  • Canon Log dispo en 4K et 8K
  • 4K dispo en interne en 4.2.2 10bit Canon Log (h265) ou 4.2.2 10bit HDR PQ (h265) même à 120im/s (119.88fps en NTSC) !
  • 8K dispo en interne en 4.2.2 10bit Canon Log (h265) ou 4.2.2 10bit HDR PQ (h265) jusqu’à 29.97fps (25im/s en PAL)
  • 4K et 8K disponibles en full DCI. Ainsi la 4K est à 4096×2160 et la 8K est à 8129×4320)
  • Le Dual Pixel est fonctionnel à toutes les cadences d’images !
  • L’IBIS collabore avec la stabilisation IS des objectifs RF et EF
  • 2 slots : 1 carte CFExpress et 1 SD UHS-II

Quelques questions restent cependant en suspens : IBIS disponible à toutes les cadences d’images ? Quid du rolling shutter en 4K/8K ? Limitation du temps d’enregistrement pour éviter la chauffe (pour rappel : pas de ventilateur) ? Quid de la taille des fichiers 8K/RAW ? Double ISO ?

Côté vidéo, Canon annonce de la 4K et de la 8K en omettant toutefois de dire quelles en seront les limites. Cela soulève quelques questionnements :

  • Le crop 1,7x de l’EOS R est-il de l’histoire ancienne s’agissant de la 4K ? Car enfin, Canon a beau dire que son crop rapproche l’EOS R d’une caméra dotée d’un capteur S35 (C100, C200, C300, C500 MI),  ce qui n’est pas faux et fait de l’hybride une bonne caméra B pour les propriétaires de C200, il est tout de même dommage (décevant ?) de disposer d’un capteur plein format et de ne pas profiter de ses qualités en terme de largeur de champ notamment…
  • Les rumeurs évoquent de la 4K jusqu’à 120 im/s et de la 8K à 30 im/s max (le site Canon Rumors attribue la note maximale -[CR3]- à l’information dont il dispose) mais Canon ne dit rien des fréquences et qualités d’images. Et là, tout est possible… le pire comme le meilleur ! La 4K tout comme la 8K peuvent être limitées tant en terme de fréquence d’images, de temps d’enregistrement, en terme de débit, ou d’échantillonnage. Autre type de limite possible pour préserver la température du processeur : l’absence d’AF ou de tracking en mode 4K 120 im/s ou en mode 8K à 24 im/s… Enfin, on peut imaginer une 8K aux fichiers très lourds qui laisseraient le processeur souffler côté compression. Au vidéaste d’investir dans des cartes !

Ce type de contraintes est d’autant plus prévisible que la vidéo associée au Communiqué de Presse ne révèle aucune sorte de système de ventilation ou refroidissement (voir plus bas « Le tour du propriétaire… en vidéo »).

Mais, après tout ! Restons optimistes sur la capacité de Canon à reprendre la main sur la vidéo « grand public ». Et ne boudons pas notre plaisir ! À ce jour, aucun Hybride full frame ne propose de 8K ! Et comme dit Richard Shepherd, Senior Marketing Manager – Photo Professionnelle chez Canon : « Nous faisons confiance à l’EOS R5 pour secouer l’ensemble du marché des hybrides et nous sommes impatients de voir les images que les photographes et les vidéastes vont être en mesure de produire lorsqu’ils auront en main ce nouvel appareil. »

  • L’arrivée de L’IBIS (stabilisation physique du capteur) est une excellente nouvelle, tant en vidéo qu’en photo. D’autant que, et c’est un minimum, Canon a travaillé la stabilisation du capteur de façon à ce qu’elle fonctionne de concert avec celle des objectifs RF. Il n’est pas précisé si les optiques EF dotées de la stabilisation bénéficieront elles aussi de cette nouvelle collaboration électronique offerte par le duo EOS R / RF…

Côté photo, Canon annonce « jusqu’à approximativement 20 im/s » avec  l’obturateur électronique et « jusqu’à  approximativement 12 im/s » avec l’obturateur mécanique.

Des chiffres alléchants (le 1DX mark III monte à 16 im/s) même s’il s’agit de valeurs « approximatives* » et « maximales* ». Mais là encore : point de détails ! Ni sur la durée max de ces cadences ni sur les limitations imposées sur les cadences extrêmes : disparition de l’AF continu et/ou du tracking ? ISO manuel ? Dégradation de la résolution ? RAW indisponible ? Ou encore black out dans le viseur ? Pour donner un exemple, il y a peu de chances que le RAW soit disponible avec tracking des yeux… à 20 im/s !

Dans son Communiqué de Presse, Canon fait mention de la possibilité de récupérer des photos depuis un shooting vidéo en 8K. Pas d’autre info. On n’imagine pas un retour du Motion JPEG ! Alors quoi ? De la simple capture à partir d’images vidéos ? Rien de nouveau en réalité !

Côté stockage des données, le R5 accueillera un double lecteur de carte ! Bien ! Les commentateurs les plus ambitieux parient sur un duo SD card / CFast voire CF Express pour encaisser les débits de la 8K. Les plus pessimistes y voient plutôt 2 lecteurs de cartes SD compatibles avec ce qui se fait de mieux en terme de vitesse (carte UHS II). Et il faudra que ces cartes soient volumineuses car, quel que soit le codec ou le débit (on ne parle même pas du RAW), les fichiers 8K vont exploser les compteurs de volume !

Et puisqu’on parle de stockage, on ne sait rien, au moment où Canon communique, de l’éventuelle plus-value d’un enregistrement en externe (RAW, 4.2.2 10bit,…).

N’oublions pas d’évoquer le lancement dès avril 2020 d’un nouvel espace en ligne, le image.canon dans lequel l’EOS R5 pourra uploader ses photos et vidéos en qualité originale via un tout nouveau système Wifi automatique. Ce service dans le nuage ne pourra cependant stocker les fichiers que 30 jours sans restriction de volume. Au-delà de ce délai, seuls 10Go de données pourront être sauvegardées.

image.canon sera accessible via le Web et une application mobile autorisant le partage de photos et vidéos sur les réseaux sociaux et Youtube (Plus d’infos ici).

Tour du propriétaire… en vidéo !

Le Communiqué de presse de Canon s’accompagne d’une vidéo. Rien d’extraordinaire. Un simple regard à 360 degrés sur le futur EOS R5. Ce bonus offre cependant quelques informations très intéressantes.

Difficile de dire si le boitier du R5 est vraiment plus gros que celui de l’EOS R.

Peut-être un peu plus large et un peu plus profond en effet. Le dessus du boitier est identique, et c’est un brin décevant car, comme beaucoup, je ne suis pas un grand fan du bouton « mode » par lequel il faut systématiquement passer pour changer… de mode. J’aurais préféré le retour à une roue crantée, tellement plus rapide et ergonomique que le passage par un menu digital…

On observe un premier changement sur la face avant avec l’apparition d’un bouton probablement paramétrable et d’un connecteur certainement dédié à l’intervalomètre.

Sur le flanc gauche, on retrouve les fiches de l’EOS R (HDMI, prises casque et micro, prise USB-C, prise Synchro flash). C’est sur la face arrière que les plus grands changements apparaissent. Bonne nouvelle ! La barre tactile disparait au profit d’un joystick dont la fiabilité est largement éprouvée sur d’autres boitiers. Le bouton AF on prend désormais place à côté de ce joystick tandis qu’une large molette crantée (tactile ? Rotative ?) Proche de celle du 5D mark IV vient désormais remplacer les 4 boutons de navigation de l’EOS R.

Si l’EOS R5 garde l’écran rotatif pour le plus grand bonheur des vidéastes, il faut déplorer le maintien du bouton ON-OFF qui ne permet pas de passer du mode photo au mode vidéo d’un simple geste…

Les rumeurs

L’annonce officielle de la 8K par Canon a confirmé les rumeurs délivrées par Canon Rumors. Le même site évoque également la disponibilité d’une 4K à 120 im/s ! Techniquement possible. Mais dans certaines limites. On le voit sur le sur-puissant 1DX mark III qui perd son AF dans les configurations les plus gourmandes en ressources processeur (120 im/s, 5.5K,…).

Ce n’est pas officiel mais le crop 1,7x en 4K serait de l’histoire ancienne. L’EOS R5 proposerait ainsi une 4K plein format, à la hauteur de ce qu’offre la concurrence. Quant à la 8K… on ne sait rien ! Même si on imagine qu’à partir d’un capteur de de 39Mpx ou 45Mpx au format 3:2, le crop pour récupérer de la 8K pourrait être négligeable (les fuites d’infos, considérées comme très fiables par Canon Rumors, évoquent un capteur de 45Mpx). 

Les bruits de couloirs évoquent également de nouveaux codecs ! S’il faut s’offrir un Atomos Ninja V pour accéder au ProRes avec l’EOS R, le R5 pourrait arriver avec ce codec… en interne ! Une caractéristique qui collerait au discours d’un Communiqué de Presse qui évoque une « qualité cinéma » pour la 8K…

Côté tarifc’est le flou total car Canon n’a donné aucun indice concernant la future étiquette de l’EOS R5. Ses caractéristiques techniques semblent le positionner en face d’un Sony a9 mark II (5 400€ env.) à moins qu’il faille le comparer à une version hybride de l’EOS 5D mark IV (3 100 € env.). Bref ! Un tarif situé entre 4 000 et 5 000 € boitier nu semble raisonnable.

Conclusion

Sur le papier, l’EOS R5 semble paré pour un combat de titan face aux Panasonic S1H et autre Sony. Une excellente nouvelle alors que même Fuji (xt-3) et Nikon (Z6 et Z7) ont récemment réussi à marquer les esprits dans le domaine de la vidéo !

Toutes les spécifications mises bout à bout (rumeurs comprises) font de ce nouvel hybride Canon le boitier parfait pour le photographe/vidéaste. Espérons que cette 8K ne soit pas une simple étiquette marketing destinée à montrer les muscles sur la face avant d’une boite en carton. Pour des raisons à la fois techniques (puissance du processeur, taille du boitier, montée en température,…) et marketing (le cannibalisme c’est pas le truc de Canon), la réalité pourrait être plus sage voire décevante…

Ainsi, du côté des performances photo, disposer d’un mode rafale à 20 im/s sans AF continu ne servirait pas à grand chose pour la photo de sport par exemple. De même, en vidéo, un mode 120 im/s en 4K ou 24 im/s en 8K deviendrait soudain moins séduisant si l’AF n’était pas disponible…

On a aussi de quoi espérer ! L’EOS 1Dx mark III, appareil plus orienté photo, fait des prouesses dans le domaine vidéo. L’EOS R5 et son orientation vidéo pourrait ainsi offrir une 8K à 30 im/s et une 4K à 120 im/s, 2 « modes » comparables en débit à la 5,5K RAW à 60 im/s du dernier 1Dx !

*Le communiqué français est plus confiant en annonçant des valeurs maximum mais pas approximatives 🙂

Cette vidéo tournée avec l’EOS R montre que ce premier hybride plein format signé Canon offre une image de bonne qualité… même en 1080p.

Arrogance… ou mauvaise stratégie ?

L’arrogance qui laisse penser aux puissants qu’ils sont définitivement au-dessus de la mêlée en a terrassé plus d’un… Et ce, dans tous les domaines d’activité concernés un jour ou l’autre par une rupture technologique : Kodak, où es-tu ? Photo Service, que deviens-tu ? Vidéo Futur, montre-toi !

C’est peut-être cette même arrogance doublée d’un manque d’anticipation qui a laissé Canon penser que la  sévère « rétention technologique » lui permettant d’élaborer des gammes d’appareils « complémentaires » était la meilleure des méthodes pour assurer son futur. Pas de bol ! Alors que Canon mettait face à face ses boitiers photos/vidéo (5D, 6D, 1Dx II, Eos R, Eos RP) et ses caméras « Cinéma » professionnelles (C100, C200, C300,…), la concurrence venait redistribuer les cartes en offrant à ses boitiers hybrides des raffinements recherchés par les pros : Profil Log, 4.2.2 10bit, RAW, focus peaking, zebra, waveform, large plage dynamique, 4K, fonctions de ralenti, etc

Manque de clairvoyance des huiles « canoniennes » devant le virage technologique initié par la 4K ? Erreur stratégique ? Mauvais marketing ? Sous-estimation de la concurrence ? Retard technologique ? Longue période de R&D ? Difficile à dire. Et c’est peut-être un peu tout ça à la fois qui a fini par fragiliser Canon…

Il est en tout cas rassurant que le géant réagisse vivement alors que le marché du Reflex se meurt au bénéfice de celui de l’hybride.

Sans réaction, Canon aurait été attendue au prochain virage. Celui de la 8K avec l’avénement probable de nouveaux venus dans l’univers désormais très occupé de la vidéo professionnelle pour tous : Blackmagic et Red en premier lieu ! Ces deux-là ont un objectif : s’accaparer toute la valeur ajoutée qu’un vidéaste attribue à une caméra qui se dit capable de délivrer une « image cinéma ». Red, avec son énigmatique Komodo et Blackmagic avec sa ligne BMPCC 4K, 6K,… bientôt 8K , sont en embuscade alors qu’ils bénéficient tous deux déjà d’un niveau de notoriété significatif chez les vidéastes qui recherchent une image cinématographique sans avoir à débourser des fortunes.

Quelques belles vidéos sorties de l’EOS R…

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